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Réflexion...

Dernière mise à jour : 13 août 2020

Introduction

Vivre et mourir: deux infinitifs présents qui semblent si intimement liés. La mort donne-t-elle sa valeur à la vie et la vie engendre-t-elle cette si grande crainte de la mort? Je ne répondrais probablement pas à cette question dans les pages à venir étant moi-même encore en réflexion. Toutefois, j’aborderai ces deux thèmes. Ainsi, je commencerai par traité de la mort , car elle s’est heurtée, la première, à moi. J’évoquerai, de ce fait, les souvenirs de notre rencontre qui fut, tout d’abord, conceptuelle, puis, tout à fait concrète. Je développerai par la suite les compromis de notre vie commune. Je poursuivrai, enfin, avec la vie. Je présenterai, donc, dans un premier temps, les découvertes que j’ai réalisées à son contact et, ensuite, le parcours accompli pour me familiariser avec elle.





Appréhender la mort

Premier souvenir.

J’ai un souvenir assez clair du jour où j’ai pris conscience de la fin de ma vie et de celle des autres. Peut-être n’était-ce pas véritablement la première fois que j’y pensais, mais c’est en tout cas ce que je désigne comme l’être. Je devais avoir sept ou huit ans . J’étais en vacances chez mes grands-parents. Là-bas, je dormais dans l’ancienne chambre de mon oncle. Lorsque vous rentriez dans cette chambre, il y avait un tas de meubles si bien que vous n’aviez que quelques centimètres pour vous déplacer dans l’espace. En effet, vous pouviez trouver sur cette petite surface au départ de la porte d’entrée: une armoire à votre droite, deux lits - un de deux personnes et l’autre d’une personne- une table de chevet avec lampe, vieux bassin et cruche en porcelaine, je crois, pour se laver , un vieux coffre blanc en bois sous la fenêtre et une ou deux armoires encore à l'extrémité de la pièce. Papier peint à petites fleurs, chapelet phosphorescent au-dessus du grand lit et cette poupée tricotée pendue à la clé de la grande armoire de l’entrée probablement par moi ou l’un de mes cousins. Ce qui caractérisait mes nuits là-bas, c’est le silence “horlogé”. Ma grand-mère utilisait un réveil mécanique à remontage manuel. Ce réveil faisait un potin incroyable dans le silence de cette grande maison. Cette nuit-là ,donc, je m’étais couchée dans le grand lit. J’avais laissé la lampe de chevet allumée, car le tic-tac de l’horloge, le silence après l’extinction de la télévision, le chapelet, l’éloignement de mes parents et la solitude m’angoissaient. Je préférais, donc, voir plutôt que de me perdre dans le noir. Je ne sais plus quel fut le fil de ma pensée. Je me rappelle pourtant l’angoisse, les larmes, la peur et ce noeud dans le ventre. Je me souviens aussi m’être levée pour écouter le souffle de ma grand-mère et me rassurer . Elle était encore en vie. Cette sensation vécue ce soir-là, par la suite, va me rejoindre chaque nuit où que je sois . Seul l’épuisement ou les stratagèmes mis en place que j’évoquerai plus loin dans cette reflexion m’éviteront ces désespoirs nocturnes.


Premier mort marquant

En 2000, je devais avoir 14 ans. J’étais restée seule à la maison et je faisais le ménage. Vers le début de l’après-midi, je crois, je dépoussiérais une chemise qui attendait sa réparation sur un bord du meuble de la salle à manger. En la brossant, je me rappelle avoir eu une drôle de sensation comme un pressentiment. Ma mère est rentrée du travail et le téléphone a sonné. Nous avons écouté le message sur le répondeur : c’était ma grand-mère paniquée. Ma maman a décroché . Selon ma grand-mère, mon grand-père ne se réveillait pas de sa sieste. Ma mère lui a , donc, dit qu’elle arrivait. Elle ne s’est, pourtant, pas pressée, face à mon angoisse et mes interrogations sur le pourquoi nous ne partions pas plus vite, elle m’a dit: “Si c’est le coeur, il a un pacemaker, ne t’en fais pas. “ Je l’ai cru. Elle est infirmière. L’avenir m’apprendra qu’une infirmière n’est pas toujours très clairvoyante lorsqu’il s’agit de ses proches. Nous sommes descendues. Mes grands-parents habitaient, en effet, au bas de la rue perpendiculaire à la nôtre. Ma grand-mère était très inquiète. Elle nous attendait , d’ailleurs , sur le pas de la porte. Après le long couloir, nous sommes entrées dans la grande pièce de vie. Mon grand-père était dans son fauteuil, les pieds sur sa chaise, son livre de mots-croisés et son crayon en main, ses grosses lunettes brunes étaient un peu de travers, la radio fonctionnait. Rien n’était vraiment inhabituel. Rien, sauf le regard de ma mère et ce “oula” prononcé. Ma mère a marché doucement vers lui, Papa! Papa! Elle a pris sa main et posé ses doigts sur son cou. Puis, elle a dit: “Il est parti.”Je crois. J’avais eu un cours de sciences quelques jours auparavant. Mon professeur nous avait dit que l’oreille entendait toujours après la mort. Alors, je me suis dirigée vers lui, je l’ai frôlé et je lui ai dit : “je t’aime” dans l’oreille. Je crois que le professeur parlait plus de la persistance momentanée d’un fonctionnement mécanique, mais cela m’avait plu comme concept et un peu apaisée. J’avais pu lui dire avant de partir.


Vivre avec cette conscience.

Je savais, à présent, que tout à une fin et, qu’un jour, tout change. Mais comment vivre avec cette information?

Au cours des années, plusieurs idées ou stratagèmes m’ont accompagnés dans mon cheminement et ont œuvré à me rasséréner. Certains étaient , peut-être, plus farfelus que d’autres, mais tous ont eu l’effet escompté… pour un temps. Effectivement, la problématique de ce thème est l’inexistence de certitudes, oserais-je ajouter, définitives et, dès lors, la nécessité de remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier. Actuellement, je jongle, encore, avec ces stratégies et essaie de trouver un certain équilibre.

La première des pensées qui va influer mon rapport à la mort est celle , scientifique, de Lavoisier: « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. ». Dès lors, cela pourrait appuyer la thèse d’une “vie” après la mort. Notre être ne se perdant pas, va se transformer. La question est en quoi?

Nous pouvons, dans un premier temps, analyser cette théorie de façon matérialiste. Effectivement, notre être après la mort se décompose. Comme le dit la Genèse: “(...)jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. “. J’avoue préférer la citation d’Hubert Reeves “Nous sommes de la poussière d’étoile”. Ainsi, nous formons un tout avec le monde qui nous entoure. Nous perdons notre forme, mais nous restons dans le cycle de la vie.

Si, dans un second temps, nous souhaitons traiter la théorie de Lavoisier de façon plus spirituelle, il faut, je pense, croire en l’existence de l’âme . Effectivement, si l’âme existe, à ce moment-là, elle ne se perd pas et elle se transforme. Dans le cas contraire, si ce que nous appelons âme n’est que le fruit de processus cognitifs, chimiques ou électriques ,alors, elle se résume à la matière à laquelle elle est attachée. L’âme ne se transforme pas, de ce fait, pour elle-même, comme dans la première option, mais ,plutôt, par conséquence à l’absence de ce qui la produisait. Si nous prenons le postulat de l’existence de l’âme, alors, la pensée de Lavoisier nous la rend d’une certaine façon immortelle.

Dans la religion la plus ancienne encore pratiquée de nos jours : l’hindouisme, les hindouistes respectent le dharma. Ce dernier représente l’ordre universel qui rend l’âme humaine immortelle et régit les cycles de réincarnation. La mort est , donc, pour eux, un passage forcé vers autre chose. Les hindouistes opposent, par conséquent, la mort à la naissance et non à la vie. De telle manière la naissance est le passage de l’existence utérine à la vie terrestre et la mort est le passage de la vie terrestre à autre chose. La notion d’âme immortelle est, aussi, évoquée par Socrate dans le livre Phédon écrit par Platon. Cette vue de la mort et de l’âme pourrait expliquer, aussi, les médiums comme Bruno et son émission Youtube: “Un nouveau message”. Dans ces capsules, Bruno communique avec des défunts qui entourent une personne vivante et transmets souvent des messages aux participants. Cette conception de la mort est vraiment séduisante et, à la fois, dérangeante.

Il est doux de penser à cette immortalité, à cette continuité, à un après “ailleurs”. C’est une jolie pensée magique. En outre, la peur de la solitude qui, je pense, accompagne cet instant ne serait plus. Si nous continuons à exister après le passage de la mort , vu le nombre de personnes qui meurent sur cette terre au même instant que nous ainsi que le nombre de personnes qui sont déjà mortes, nous ne sommes plus seuls dans cette expérience. Imaginez un espace empli d’âmes autre part ou ici. Le “ici” est, pour moi, le plus perturbant. En effet, si nous cohabitons sans trop le savoir avec des morts, des questions se présentent à moi comme “Quelles sont leurs intentions envers nous? Bonnes? Mauvaises? Indifférentes” ou “Quelle est leur degré et leur zone d’influence sur le monde?”. Enfin, je crois que ce qui me dérange le plus est le sentiment d’être épié qui accompagne cette idée. Il y a dans la vie énormément de moments où l’on préfère être seul, non?

La seconde idée, quant à elle, est celle d’Epicure bien sûr : “la mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. “Dans ce cas de figure, la mort est une fin et une privation de toute sensibilité. Dès lors, la crainte de souffrir ne peut être dans ces circonstances. Toutefois, une autre notion provoque en moi une certaine angoisse: le fait de ne plus exister. Les photographies et les lieux historiques m’ont toujours beaucoup chamboulée. Que je sois devant un cliché presque taille réelle en noir et blanc d’un anonyme à la maison de la photographie à Marrakech ou circulant dans les allées de Versailles, je pense à ces gens qui ont, un jour,existés et dont on n’a plus de souvenirs ou alors tellement infimes. Eux comme moi ont respiré, aimé, pleuré, voulu, peut-être , marqué leur époque et il n’en reste rien. Ce constat produit en moi une profonde tristesse. En outre, ce temps que je souhaite colorer de ma présence est tellement infime par rapport au temps sans moi. Assurément, la vie avant ma vie n’existe pas pour moi ou alors par ces traces dans mon présent. Elle n’a, donc, aucune valeur pour moi, ne représente rien de vraiment concret ni n’engendre d’émotions particulières. Dès lors, peut-être que la vie après ma vie aura le même sort et qu’il y ait des traces de mon passage ou pas m’importera peu.

Puis, je m’interroge sur le fait même d’exister. Moi dont toutes les cellules vont se renouveler au cours de mon existence. Moi qui perd des bouts de vie par oubli, qui dort souvent sans conscience d’être. Moi qui ne me ressemble plus d’un jour à l’autre, qui “versatile” fréquemment. Est-ce comme cela que nous existons: en identité, oserais-je le dire, multiple comme une succession d'instantanés, ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait d’autres. Vivons-nous déjà de petites morts sans nous en apercevoir?

Ensuite, dans ma démarche, j’ai cru, tout autant, que nier la mort me la rendrait plus acceptable. J’ai, donc, usé de toutes les astuces pour éviter la confrontation. Je ne me suis pas sentie pourtant plus tranquille.

Jalâloddin Rûmî a écrit “Recherche l’inquiétude pour atteindre la quiétude”. Ainsi, à présent, lorsque je me sens d’attaque, j’accueille davantage mes émotions et mes pensées. Je les vis pleinement. De la même manière , il y a dans cette attitude comme un pont à faire avec la quête de l’assouplissement du corps. Lors de l’étirement, mentalement le sportif demande à son muscle de se détendre puis, il respire. La respiration est primordiale. Là , le corps du sportif cherche les chemins de la détente et l’air est comme envoyé dans le muscle qui est à décontracter. Le sportif se focalise sur la respiration et le muscle se relâche. Une autre technique est de contracter le muscle antagoniste pour étirer le muscle agoniste.

Enfin, je fais le parallèle avec les sentiments qui accompagnent un nouveau défi dans la vie. Souvent, l’anticipation de l’action fait imaginer les pires scénarios. Puis, une fois l’action réalisée, lorsque nous nous retournons, nous rions de nous et de nos peurs. J’espère que cela sera pareille.


Appréhender la vie

To be

Chacun de nous ressemble à cet homme que les douze coups de midi auraient brutalement tiré d’une longue rêverie. Ignorant combien de temps a duré son rêve, l’homme entreprend le décompte des coups. Mais est-il bien sur d’en avoir entendu le premier? Lequel en effet l’a soudain éveillé? Et si ce n’est le premier, comment s’y retrouver? Il est un coup qui échappe à tout homme : son coup d’envoi. On arrive sur les lieux de sa vie comme sur les lieux d’un crime: toujours trop tard. Chacun est mis au monde avant d’avoir pu choisir ou décider quoi que ce soit. On reçoit sans l’avoir demandé. C’est là l’offense première: l’honneur d’un homme est d’être libre. Mais voilà que sa propre vie, originellement, s’impose à lui. Offense irréparable: car à la différence d’un cadeau encombrant, nous ne sommes rien en dehors de ce don. Le refuser, se refuser à lui, c’est refuser de vivre.

D’abord, il me semble qu’avant de pouvoir choisir d’être ou de n’être pas , il faut avoir conscience d’être et de ce que cela implique.

“Jamais, avant ces dernier jours, je n'avais pressenti ce que voulait dire « exister». J'étais comme les autres, comme ceux qui se promènent au bord de la mer dans leurs habits de printemps. Je disais comme eux « la mer est verte ; ce point blanc là-haut, c'est une mouette », mais je ne sentais pas que ça existait,que la mouette était une « mouette-existante » ; à l'ordinaire, l'existence se cache. Elle est là, autour de nous, en nous, elle est nous, on ne peut pas dire deux mots sans parler d'elle et, finalement, on ne la touche pas. Quand je croyais y penser, il faut croire que je ne pensais rien, j'avais la tête vide, ou tout juste un mot dans la tête, le mot « être ».”

Jetée au monde, j’ai, comme tant d’autres, longtemps subis ma vie. Elle ressemblait à un tunnel de verre, à travers lequel j’allais plus vite chaque année, et au bout duquel il n’y avait que l’obscurité. Cette vie se devait, en outre, d’être orientée vers un ou plusieurs projets : études, profession, amour, identité, mission... Vivre ne suffit plus de nos jours, l’entourage et la société exigent des réponses adéquates. Ainsi, je suivais et, je suis encore trop souvent, le courant oubliant d’être libre et de vivre pour moi-même.

Pourtant, dans cette course, il y a comme un vide. Il se fait béant et douloureux lorsqu’un proche nous quitte trop tôt ou que nous sommes témoins de catastrophes et de drames. Il se fait assourdissant lorsque les répétitions du quotidien enlèvent la vie à la vie. Quel est le sens de tout cela ? Albert Camus développe une réflexion au départ de cette quête dans son mythe de Sisyphe. Pour lui, de cette question posée au monde et de l’absence de réponse va naître l’absurde. Ce sentiment de décalage entre l’homme avec son désir de savoir et le monde, silencieux, qui l’entoure.

“Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le coeur et tout se met à flotter, comme l'autre soir... Voilà la nausée.”


Vivre avec cette conscience.

Faut-il pour autant s’arrêter à ce mal-être, céder en désespoir de cause au suicide ou devenir un aquoiboniste?

Camus entrevoit cette conscience de l’absurde comme le début d’une nouvelle ère. Il nous propose, par conséquent, de rester actif malgré cette pensée nihiliste. Ainsi, l’absurdité du monde peut devenir, selon lui, moteur de bonheur et laisser libre cours à notre désir de vie et notre volonté. Concrètement, il nous invite à la révolte. Cette dernière est un véritable appel à la vie qui implique le maintien lucide de l’absurdité, puisque nous ne pouvons réellement lutter contre elle, et la vision de la liberté comme une multiplication des expériences où nous tirions notre satisfaction de l’action sans se soucier, de prime abord, de la valeur. En résumé, il nous enjoint de vivre beaucoup avant de vivre bien. De ce fait, il souhaite préserver le plus longtemps possible la diversité du monde et des opportunités. Avec cette pensée, Camus propose donc un engagement passionné et conscient dans la vie.

“Je suis pour le parti pris de vivre”

Ainsi, j’ai pris position et j’ai décidé de vivre. La vie vaut la peine d’être vécue. Intellectuellement, le concept semblait clair, mais concrètement, au quotidien, qu’est-ce que cela signifiait ? Pour poursuivre ma démarche, trouver peut-être ma révolte et orienter mes actions, j’ai entamé le chemin du petit Prince.

“Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince:

– S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

– Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.

– On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

– Que faut-il faire? dit le petit prince.

– Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…

Le lendemain revint le petit prince.

– Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… Il faut des rites.

– Qu’est-ce qu’un rite ? dit le petit prince.

– C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu’à la vigne. Si les chasseurs dansaient n’importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n’aurais point de vacances.

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard.


Apprivoiser la vie

En septembre 2015, après avoir terminé mon agrégation au conservatoire et avoir gagné un semblant d’indépendance financière, j’ai eu besoin de tester mon indépendance personnelle, un peu. J’ai, donc, réservé un vol pour le Maroc. Je partais seule pour 14 jours dans une aventure plus ou moins organisée et pensée. J’étais terrifiée. Jamais auparavant je ne m’étais retrouvée dans cette situation : véritablement seule sans zone d’influence à proximité, sans sortie de secours familiale. J’étais adulte depuis longtemps pourtant. Remarquez que ma prise de risque était plus que mesurée. 14 jours, c’est une goutte d’eau dans une vie non? Ce temps de voyage représente, je pense, assez bien l’état d’esprit dans lequel je suis partie et explique, également, le besoin que je ressentais, à l’époque, de me prouver à moi-même mes propres capacités. Il était nécessaire pour moi de trouver la valeur en moi et de faire le point avec moi-même. Qui étais-je ? Quelles étaient mes qualités, mes défauts ? Que voulais-je pour ma vie ? “Connais-toi toi-même” était-il inscrit sur le frontispice du Temple de Delphes. Je me suis donc aventurée dans cette quête. La marche, le dessin, l’écriture, la mer, le soleil, l’éloignement et la nouveauté ont facilité mon introspection. Je suis revenue de ce voyage comme libérée et emplie d’un désir de vie incroyable. Jacques Ellul a écrit : “Être libéré de soi, c’est la liberté”. C’est, sans doute, ce que j’ai ressenti à l’époque. J’ai abandonné ce que je croyais “être” soit pour encourager ce que j’étais déjà, mais trop timidement soit pour devenir un peu plus ce que je suis vraiment. Les émotions vécues, les longs moments de contemplation, la joie dans le moment présent ainsi que tout l’apprentissage effectué durant ces quelques jours ont rayonnés et se sont diffusés tout au

long des années suivantes ainsi “Vivre c'est naître lentement” .


“Vivre est politique” Suite au Maroc, Il y a eu de profonds changements en moi, ainsi que dans la vision que je me suis faite de la vie. Se sentir capable de vivre ses rêves, cela change les perspectives. Par mes actes, mes choix, mes positions, je reconstruis, à présent, mon quotidien, ma vie, mes relations et, peu à peu, une certaine liberté, avec un chouïa de conscience en plus. Je suis entrée en révolte douce.

Ce temps qui m’appartient davantage aujourd’hui, je continue à l’investir pour bâtir mon avenir. Je fais des choix.


Je terminerai ce point par la citation suivante :

“Je suis né deux fois. Lors de ma première naissance, je n’étais pas là. Mon corps est venu au monde le 26 juillet 1937 à Bordeaux. On me l’a dit. Je suis bien obligé d’y croire puisque je n’en ai aucun souvenir. Ma seconde naissance, elle est en pleine mémoire. ” Dans son livre “Sauve-toi, la vie t’appelle”, Boris Cyrulnik évoque son arrestation d’enfant juif durant la seconde guerre mondiale comme le catalyseur de sa vie. Dans une moindre mesure, je pense que ce voyage a eu le même effet sur ma vie. J’ai, dès lors, davantage conscience d’être au monde.


Conclusion :

En conclusion, vous avez pu constater, qu’appréhender les notions de vie et de mort n’est pas une mince affaire. Malgré les expériences personnelles développées et l’appuis plus théoriques des divers hommes de lettres abordés, nombre de zones d’ombres sont encore à explorer. Mais les questions ne sont-elles pas plus essentielles que les réponses ? Il est vrai que je n’avais pas la prétention de résoudre ce dilemme ancestral, mais simplement de mettre un peu d’ordre dans mon parcours. Comme il paraît que philosopher c’est être en route, qu’“Il n'y a pas de racines à nos pieds,” et que “ ceux-ci sont faits pour se mouvoir”, je poursuis ma randonnée.


>> Et vous quel fut l’événement, l'expérience à la base de votre origination? A vos plumes!

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