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Dernière mise à jour : 13 août 2020

C’était un jour ensoleillé des vacances de printemps 2019. Après un voyage en train et en tram, je suis arrivée en face de l’ancien hospice du Dr Guislain. J’ai parcouru la longue allée dégagée pour arriver jusqu’à l’entrée. J’ai poussé la porte grinçante de la petite chapelle pensant découvrir un trésor caché. Rien. Je suis, alors, ressortie et me suis attardée dans le premier jardinet. J’ai , ensuite, suivi les confettis collés aux murs, aux portes, aux fenêtres jusqu’à la caisse, regrettant de passer cette belle journée enfermée. Mon ticket d’entrée collé sur mon appareil photo, j’ai grimpé les marches jusqu’au premier étage. A mi-chemin , j’ai tenté de comprendre les explications sur ces chapeaux collés au plafond. Mon niveau de néerlandais laisse à désirer. Je reste, donc, avec mes questions. En haut de ces escaliers, j’ai pénétré dans la salle à ma droite pour découvrir la première partie de l’exposition “Sensations”.



De grandes structures en carton, de la pénombre et des points de lumière m’accueillent. Je commence mon parcours. Certaines oeuvres , de prime abord , reste un mystère. Puis, la lecture du cartel m’éclaire... un peu. Je suis curieuse, mais pas séduite. Très vite un livret m’interpelle. Je l’ouvre et découvre ce qui doit être probablement la visite pour les enfants. Qu’importe ! Marguerite Duras écrivait: “Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...” Alors je m’exécute. J’ouvre la boîte. Je choisis ma musique : du classique. Je pose le casque du walkman sur mes oreilles et je fais machine arrière pour voir si les oeuvres déjà vues m'impactent différemment. Je me sens anachronique avec cet objet en main. Je me demande comment les enfants d’aujourd’hui doivent réagir face à cet engin. Je me souviens.

Il y a un côté burlesque à cette redécouverte. Les cuivres dans mes oreilles sont forts, la musique rythmée et l’oeuvre de Johan De Wilde minimaliste. Je dépose mon walkman après quelques instants. Je poursuis l’aventure ludique et ouvre les petites boîtes qui accompagnent les cassettes. Mon excitation est palpable. Il reste bien une bonne dose d’enfance en moi. Je sens. Je touche. Je vois. Je referme le tout et continue ma route.

De la vidéo. J’aime la vidéo, les ombres et la lumière. Je joue quelques instants avec le projecteur et prends quelques clichés. Des images en noir et blanc sont projetées sur le mur. Cela nourrit mon côté nostalgique.

Ciel, des livres en tranches! Moi qui viens d’une maison où les livres sont légion, où écrire dans le livre avec un stylo bille est damnation. Je ris de cette insolence. Elle me fascine. Je garde la trace de cette expérience en numérique.

Je voyage, ensuite, jusqu’au Japon avec Michael Wolf et ses photographies de concentration de travailleurs dans le métro. Je repense à cette vieille blague de primaire avec cette fille coincée dans sa voiture lors d’un départ en vacances. Ils ne sont pas si lointains que ça finalement ces japonais. Je me dis qu’à présent mes déplacements matinaux avec la STIB auront une autre couleur.

De la couleur, c’est ce qu’Anna Püschel présente. Je ressens face à ses tableaux le même envoûtement que devant un coucher de soleil. L’intensité de la couleur, les dégradés, me poussent à les fixer. J’ai l’impression qu’ils détiennent un secret qu’il faut absolument que je découvre. Une sensation de bien-être, également, s’empare de moi.

Plus loin , un cube en carton, des bouts d’école , des bulletins, des outils pour tester les sens et à nouveau un livret. Le muséum me propose une expérimentation. Il est question d’évaluation de poids, de sensation sur le bras, de toucher et de “Où est Charlie?” version Dr Guislain. Je joue. Je gagne.

Je traverse, maintenant, le couloir pour me rendre dans la seconde partie de cette exposition . C’est la même ambiance d’un point de vue visuel: touches de lumière et obscurité. Toutefois, ici, il y a un documentaire qui passe en boucle dans un des cubes en carton.

Je rencontre là l’oeuvre de Friederike von Rauch. Bizarrement, son travail me touche. Le calme de ses rideaux, l’instantané, le blanc, la lumière peut-être, je ne sais ce qui provoque mon intérêt. Cela se connecte directement à mon ventre et m’émeut. Je ne suis pas bouleversée , je suis titillée. David Claerbout provoquera en moi ce même genre de sensation plus loin dans l’exposition. Je resterai assise à écouter et regarder son installation. Ce long travelling arrière me clouera littéralement sur place. Partagée entre la lenteur et l’envie de savoir le fin mot de l’histoire ou de comprendre l’oeuvre. C’est le film à suspens le plus minimaliste que j’aie jamais vu.

D’une autre manière, les travaux de Fernando Moleres sur le centre de désintoxication à Internet et de Magnus Wennman sur le syndrome de résignation m’ont , eux aussi, interloquée . Pour eux, c’est davantage le contenu de l’oeuvre que la forme qui m’a fait réagir. L’intellect a pris le pas sur la sensation.

Un livret encore et des tampons pour combattre l’horror vacui, je ne laisse aucune trace de mon passage sur le carnet. Le vide ne doit peut-être pas trop me faire peur. Par contre, je repars avec un mignon petit renard sur la main. Je ne résiste pas à l’enfantin.

Je me dirige vers un minuscule couloir, transition vers l’histoire de la psychiatrie. Des lits en fer blanc, des robinets et des miroirs, c’est ainsi que commence ma plongée dans l’histoire. Un pyjama , une paire de pantoufles sur une valise, ces traces d’existence me remuent. Je me relie à ces ancêtres.

Puis, c’est la froideur de la science qui reprend ses droits: neurologie, radiologie, instruments divers et médicaments . L’espace sous les toits où la visite se poursuit à présent me rappelle l’austérité des retraites lorsque j’étais enfant.

De la vie, à nouveau, objets, meubles, flacons et fioles se présentent à moi. Les mémoires se déroulent à rebours sous mes yeux: clinothérapie , balnéothérapie, thérapie par le travail, phrénologie, physiognomie, des visages de souffrants pour personnifier l’histoire, crânes, lobotomie, les mauvais traitements, l’exorcisme et la sorcellerie, le culte des saints, la naissance des maisons de fous et la trépanation.

Au bout du couloir avant d’emprunter les escaliers, une maquette, des photographies de résidents et ces longs barreaux forgés sur le palier qui peut-être à une époque ont évité de nombreux suicides. Je suis mal à l’aise avec le contenu des pièces que je viens de quitter. Je me sens lourde et mon coeur est pesant. Le regard de cet homme couché dans son lit avec cette peluche me revigore un peu. Il parle à mon humanité celle qui semble avoir été oubliée dans les méandres des soins de la folie. Je descends les escaliers et retrouve l’air pur et le soleil. Mon corps a besoin d’une pause , d’un café. Je rentre dans la cafétéria aux chaises multicolores , je commande mon café et ressors m’installer au soleil. Je profite du calme et de la tranquillité. Je me sens à nouveau sereine et bien.

L’heure tourne et je dois encore voir les cabinets. Je m'engouffre dans l’autre partie du musée. Une petite pièce sur la droite m’attend. Cette installation me rappelle ma visite au musée “Art et Marges” en octobre dernier. Là, encore, c’est le minimalisme qui m’attire. Un certain Dirk dessine d’un trait de feutre un “paysage”. Ce travail me fait penser à la démarche de Véronique Van Der Wielen qui propose de faire un portrait de vous les yeux dans les yeux.

Assez rapidement, j’effectue le tour des oeuvres et je monte au deuxième étage en passant devant l’énorme collage. Dans cette nouvelle salle, l’ambiance est exotique, colorée et métissée. J’aime la diversité qui y règne. Il y a comme un vent de liberté ou de ludisme et de la lourdeur pourtant.

Ainsi les personnages faméliques coincés dans leur cadre de Rosemarie Koczy cohabitent avec d’immenses statues colorées, des maquettes de bus ou de villes voire d’avions façon Léonard de Vinci et des peintures presque rupestres de François Burland. Au-delà des univers divers , il y a aussi une multitude de techniques et de matières employées: céramique, sculpture, dessin, broderie etc. Cela participe à la richesse de cette collection.

Cette fois, c’est l’amoncellement d’objets qui va m’intriguer: celui d’Hans Langner ou Birdman. Je ne peux résister à l’envie de mettre en parallèle ce travail avec celui de Jean-Pierre Rostenne vu au musée Art et Marges. Les cannes pour Jean-Pierre comme les pièces pour Hans semblent être un endroit d’exploration ludique de l’objet, un lieu où le fantastique côtoie le quotidien dans des combinaisons étonnantes.

Je quitte, à présent, la table dessinée, la tribu de totems, la danseuse brésilienne, les peintures et les collages pour retourner vers la lumière. Je parcours une dernière fois le cloître de l'hôpital et observe les étranges gargouilles en forme de tête au-dessus de la cafétéria. Je souris et reprends lentement presque douloureusement le chemin de Bruxelles.


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