Question de point de vue...
Je suis coincée, prise en étau. J'arrive à peine à articuler ma pensée. Je me sens bâillonnée. Je suffoque presque.
La couverture brillante repose sur moi. Froide.
Moi, je m’appesantis sur des consœurs et du plastique.
Je suis la prochaine.
J'attends.
Mélange d’excitation, de peurs et d'impatience.
Soudain, la couverture se soulève — je ne sais pas ce qu'elle devient, elle disparaît hors de ma vue —bol d'air et de lumière.
Nous sommes soulevées une première fois.
Je suis soulevée une seconde fois.
Le plastique bouge sous moi.
Il s'aligne.
Une ombre s'approche dangereusement.
Je m’aplatis au maximum pour l'éviter.
Droite. Rigide. Tendue.
Je prie pour que cela fasse rebondir cet objet conto/endant.
Il n'est plus qu'à quelques centimètres de moi.
La prière se transforme, alors , en psalmodie.
Il arrive.
Je suis en suspens.
J’interromps ma méthode Coué.
3,2,1 …
Percussion.
Un poids sur mon coté gauche.
En réponse, je me déforme.
C'est le prix de l'impacte.
La pression se déplace et ma déformation aussi.
La valse commence.
Une pointe , comme un aiguillon, d'abord.
Un liquide visqueux, ensuite.
Le duo se déploie en ligne droite sur ma largeur tantôt avec douceur, tantôt avec hardeur et fougue, tantôt en pointillé.
C'est donc cela la vie ? C'est ainsi que je vais la consumer et qu'elle va me consommer …
Autrefois, lorsque qu'une autre occupait ma place, quand elle aussi vivait, je ressentais comme des chatouillis légers de là où j'étais. C'était un peu la vie par répercussions.
Aujourd'hui, je ne comprends rien à cette chorégraphie: le rythme est irrégulier, les pas semblent improvisés et les jetés interrompus.
Quel est le sens de ce tango qui laisse tant d'empreintes sur ma surface?
Je me sens dénaturée.
Le duo s'est déjà baladé sur les trois quarts de ma personne.
J'observe, stoïque, leurs mouvements.
Je n'ai aucun droit de réponse.
Je subis.
À lutter contre cette vague , je m'épuise.
Donc, j'accueille, maintenant, ce flot.
Je tente de l'apprivoiser.
Je lâche prise peu à à peu.
Je me détends.
Tout à coup, une pause dans la danse.
L'ombre s'éloigne.
Un peu de répit.
Je m'interroge.
Puis, tout s'accélère.
De grands va-et-vient de traverse.
Répétés.
Intenses.
Vifs.
Je suis soulevée une troisième fois et scindée du groupe.
Deux points d'appui sur mon côté et c'est le drame.
Je me déchire, m'éventre, me disloque.
L'opération est réitérée à de multiples reprises.
Je suis en lambeau.
Réduite en mosaïque et jetée au bac.
Abandonnée.
Ephémérité.
Effet mérité ?
Arbre, je suis née. Page blanche, un matin, je me suis réveillée. Terrain de jeux pour stylos, bics et crayons, un midi, je me suis révélée. Feuille de brouillon, une nuit, j'ai terminé. Et maintenant... au bûché ou recyclée ?
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